
[Interview]: Maïmouna Baillet Directrice de Sinergi
Maïmouna Baillet Directrice de Sinergi, Directrice de fonds du réseau IPDEV 2, nous parle des difficultés et des opportunités auxquelles elle est exposée dans sa fonctions et dans son pays, de la place du genre dans le capital investissement et les objectifs et visions pour l’entrepreneuriat.
Commençons par quelques mots sur votre parcours : comment en êtes-vous arrivées à diriger un fonds dédié aux PME ? Comment s’est faite votre rencontre avec I&P?
Pour ma part, je connaissais déjà I&P pour avoir travaillé dans la finance à Paris puis en Afrique de l’Ouest. En reprenant la direction générale de Sinergi en 2022, j’ai découvert une culture d’entreprise familiale et bienveillante, et la vision d’impact m’a immédiatement convaincue. L’équipe de SINERGI a été de loin la plus belle des surprises, au vu de la qualité des profils et des compétences des collègues. Nous disposons d’une équipe jeune et dynamique, motivée et animée de la volonté de faire du seul fonds d’investissement au Niger une référence. L’intégration s’est faite progressivement, et se poursuit toujours, ce qui est dans l’ordre des choses pour une structure en place depuis 2006.
Sinergi a connu des succès différents auprès des investisseurs locaux.Sur quels critères se base votre confiance?
La confiance accordée par les investisseurs locaux au modèle de Sinergi et d’Inua Capital, fonds se focalisant sur un seul pays, dépend de plusieurs facteurs : les modèles existants, le track-record, le pipeline de projets, le contexte politique, économique et culturel du pays d’implantation (…)
Sinergi, projet pilote lancé en 2006, est une référence qui démontre la viabilité du modèle. Approche qui a été reproduite au Burkina, au Sénégal, en Côte d’Ivoire et à Madagascar et qui a engendré une certaine mobilisation auprès des communautés locales d’investisseurs.
Au Niger, nous avons des actionnaires parmi les entrepreneurs et investisseurs les plus aguerris du pays et bénéficions de leur confiance et de leur appui, à commencer par notre PCA. Cela, en plus des éléments cités plus haut, ne peut que nous accorder de la légitimité et de la confiance auprès d’éventuels nouveaux investisseurs.
Le monde de la finance est un secteur qui reste très genré : le fait d'être une femme vous pénalise-t-il, soit auprès des investisseurs, soit auprès des entrepreneurs et chefs d'entreprise qui travailleront plus tard avec vous?
En Europe ou en Afrique, à l’exception de cas isolés, une éventuelle pénalisation due au genre, au même titre que d’autres facteurs d’exclusion (origine, religion), est rarement exprimée mais existe. Pour changer les mentalités, il faut travailler en étant consciente de devoir en faire deux fois plus, ne pas laisser ses émotions ou sa vie de famille empiéter sur son travail. Il faut également se soutenir et ne pas hésiter à se faire entendre lorsqu’une injustice est commise. Je suis convaincue que ma position d’investisseur, et surtout d’investisseur à impact, permettra de changer la situation des femmes entrepreneures.
Cela signifie que les besoins spécifiques de cette cible seront étudiés et adressés, notamment tout le soutien non financier (formation, renforcement de capacités, accompagnement etc.). Leur potentiel de croissance ne dépend pas forcément d’un prêt et nous sommes capables de répondre à cela.
Quels sont vos objectifs à court et moyen-terme pour SINERGI?
Nous avons réalisé beaucoup de projets de développement en amorçage ces dernières années parce que nous nous sommes rendu compte qu’il fallait accompagner les entreprises à être prêtes pour l’investissement en capital. C’est chose faite, nous pouvons donc capitaliser sur cette expérience et renouer pleinement avec l’activité d’investissement, le corps même de notre métier.
Le second objectif est de reprendre notre place au sein de l’écosystème des PME nigériennes. Avec l’expérience et l’expertise que nous avons depuis 17 ans, nous pensons avoir un rôle à jouer en termes d’animation et d’aiguillage des PME. Notre troisième objectif, c’est le genre. Les femmes nigériennes qui ont le courage d’entreprendre sont nombreuses et elles ont besoin de soutien et d’accompagnement.